Située à l‘extrême nord du pays dans la région du Sahel, la commune rurale de Falagountou est à 310 km de la capitale et à 60 km de celle de la région du Sahel, Dori. Aussi Falagountou est la commune qui abrite l’une des mines aurifères la plus importante du pays, la mine d’Essakane. Au cours d’une journée d’incursion dans cette localité, le maire de ladite ville nous a ouvert ses portes. Avec cet homme aux grandes ambitions, aux idées révolutionnaires et novatrices, homme charismatique et bien connu dans le landerneau politique, il a été question du fonctionnement de la mairie et des perspectives pour les années à venir. Il s’est également exprimé sur des sujets liés à la santé, à l’énergie, à l’éducation etc. Par ailleurs l’homme n’a pas passé sous silence l’avenir de l’enseignement dans cette partie enclavée et désertique du Burkina.
Saidou Maiga, maire de la commune de Falagountou, et ses premiers pas dans la politique
Je suis présentement maire de la commune rurale de Falagountou. Mais auparavant depuis quelques années, je suis dans la politique. C’est ce qui m’a permis en 2012 d’être un élu à l’hémicycle mais comme suppléant du député Hama Arba Diallo d’abord. A son décès j’ai siégé quelques jours au niveau de l’Assemblée nationale avant l’insurrection populaire des 30 et 31 octobre 2014. A partir de novembre 2014, j’ai intégré le gouvernement au titre de mon parti à l’époque au poste de ministre de l’Environnement et des Ressources halieutiques. Un poste que j’ai gardé jusqu’à la fin de la Transition. Mais si je parle des élections à partir de 2012 cela ne pas veut dire que c’est à partir de cette date que je suis rentré en politique. Je n’étais pas très affiché politiquement, mais il faut dire que j’ai donné des coups de main à des partis bien avant. Pour la petite histoire la toute première carte de militant que j’ai acquise, c’est la carte de l’Unir/PS. Avec mon cher amis Athanase Boudo, on s’est retrouvé à L’Ecole nationale des régies financières, il m’a convaincu de prendre la carte de l’Unir /Ps. C’est que j’ai jalousement gardé au fond de mon tiroir. Mais les choses ont évolué et je suis me suis retrouvé entre temps au PDS/METBA, pour finalement me retrouver au Mouvement du peuple pour le progrès (MPP). A ce jour je suis élu sous la bannière du parti au pouvoir le MPP.
Saidou Maiga de ministre à la casquette de maire de Falagountou
Les élections municipales de 2016 n’ont pas été faciles au niveau de notre province parce que nous avons eu à faire face à des partenaires-adversaires. Partenaires parce que nous avons eu affaire au PDS/METBA qui est un parti de la mouvance au plan national mais au plan local qui s’est beaucoup affiché avec l’UPC. En prenant le cas particulier de la commune rurale de Falagountou, l’UPC et le PDS/METBA ont pratiquement fait front commun. Ils avaient pratiquement les mêmes candidats et les mêmes équipes de campagne. Cela montre déjà le visage de la complexité de ces élections, mais il faut dire qu’après les élections, les choses se sont un peu améliorées. Dans les autres communes cela s’est aussi ressenti. C’est le cours normal du jeu politique.
Présentation de la commune rurale de Falagountou
C’est l’une des 26 communes de la région du Sahel qui est située à l’extrême nord du pays. Falagountou fait frontière avec le Niger et a pour voisin au niveau national, les communes de Markoye, de Gorom-Gorom, de Dori et de Seytenga. C’est une commune de 25 000 habitants environ et 603 Km2 de superficie. Falagountou compte 14 villages administrativement reconnus. C’est une commune qui a ses atouts et ses faiblesses, mais qui a surtout des ambitions. On note surtout que c’est une commune enclavée parce qu’en saison de pluie, il est pratiquement impossible d’avoir accès au chef-lieu de la commune et c’est la même chose aussi pour les principaux villages. En parlant d’atouts plutôt de défis, je pense au problème de scolarisation des filles, aux mariages précoces, aux problèmes de sécurité. Je pense à la question de l’exploitation minière aussi bien artisanale qu’industrielle.
L’exploitation minière dans la commune rurale de Falagountou
Présentement la seule grande société minière implantée et organisée à Falagountou, c’est celle de IAMGold Essakane SA. qui exploite la mine dite d’Essakane. La mine est à Falagountou, mais le nom relève d’un village de la commune voisine de Gorom-Gorom. Donc quand on prononce le nom de la mine, les gens ont tendance à penser automatiquement à ce village. Sinon en réalité, le permis d’exploitation de la mine d’Essakane est essentiellement situé au niveau de la commune de Falagountou qui a vu ses terres les plus arables accaparées par la mine pour son exploitation, qui a vu ses villages réinstallés. Mais à côté de l’exploitation industrielle, il y a l’orpaillage et l’exploitation artisanale. Sur l’ensemble des 14 villages de la commune il y a des sites et possibilité d’exploitation minière.
Les revenus de la commune
Au niveau de l’exploitation artisanale, il y a eu une délibération récente qui a été adoptée pour faire payer les orpailleurs. Ceux qui utilisent les moulins à minerais sont taxés annuellement. De même que chaque possesseur de trou d’or. Au niveau de l’exploitation industrielle, il y a la patente que la mine paye et qui est répartie entre les communes de Markoye , de Gorom-Gorom et de Falagountou. Mais au-delà de cette patente, la commune bénéficie d’un appui de la part de la mine. Depuis 2 ou 3 ans la mine d’Essakane subventionne le Plan de développement communal de la mairie. A titre d’exemple, pour l’année 2017, la mairie a eu une subvention directe de 225 millions de F CFA. Il y a aussi une subvention indirecte mais cela est beaucoup plus informel. L’année passée, Falagountou a eu 200 millions. Nous pensons que la mine fait des efforts à ce niveau. Nous préférons ne pas faire une sommation parce que à côté de ce que nous gagnons financièrement, il y a aussi les impacts sur les populations. Au nombre de ces impacts, il y en a qui sont directement mesurables et d’autres non pour le moment. Vous prenez l’exemple de la poussière qui est dégagée par les dizaines et centaines de camions que nous inhalons. Quelles sont les conséquences de cette poussière à court à moyen et long termes sur la santé de la population ? Est-ce qu’en contrepartie ,on ne doit pas investir des centaines de millions de francs pour construire des centres de santé de pointe pour la prise en charge des maladies liées à ces poussières. A côté il y a aussi, la question de l’eau. Aujourd’hui tout le monde sait que les nappes sont contaminées même s’il n’y a pas encore une étude approfondie qui est faite à ce niveau. Vous prenez la question des terres, lorsque l’on vous prend votre champ, à combien on devrait logiquement vous dédommager pour que vos enfants et vos petits-enfants puissent survivre. On peut rapidement faire une sommation pour dire voilà nous gagnons un milliard par an. Mais combien perdons-nous par an ? Il ne faut jamais faire la sommation au gain et oublier celle liée à la perte. Concernant nos gains nous n’avons rien à cacher tout est budgétisé. Pour l’année 2017 nous sommes à peu près 1 milliard 100 millions de F CFA. Mais nous ne voulons pas nous attacher à des chiffres concernant des recettes et oublier en contrepartie l’équation relative aux conséquences de l’exploitation minière.
Les partenaires
Le premier partenaire d’une commune c’est l’Etat bien sûr qui nous accompagne à travers ses conseils, à travers son appui institutionnel. Il y a aussi la mine d’Essakane, le Liptako Gourma qui nous accompagne dans le cadre d’un projet de sécurisation d’une zone pastorale. Nous avons des ONG locales comme l’Association NODE-Nôtô et bien d’autres. Mais nous sommes en train de prospecter la piste de la coopération décentralisée.
La sécurité
L’insécurité bat son plein sur tout le territoire national et non seulement dans le Sahel. Il faut dire que c’est même à cause de l’insécurité que l’on doit investir. Qu’est-ce qui fait le nid de l’insécurité ? A cette question, nous sommes convaincus d’une chose, c’est la pauvreté et rien de plus. C’est parce que les gens n’ont pas d’occupations qu’ils se laissent facilement convaincre par des rêves, par des utopies. Nous pensons réellement, qu’il faut investir dans la lutte contre la pauvreté, mais il faut aussi investir dans l’éducation. C’est pour cela que l’un des projets phares que nous comptons défendre auprès de nos partenaires c’est justement un projet sur l’éducation des filles et contre le mariage précoce. Vous savez, lorsqu’une femme est bien éduquée et bien encadrée, cela à une répercussion directe sur ses enfants. Une femme qui maîtrise le nombre de ses enfants aide la société à maitriser tous les contours des problèmes sociaux dont notamment les problèmes de sécurité. Si l’on ne s’investit pas assez à résoudre le problème de la sécurité, on donne le feu vert aux intégristes qui feront de la région ce qu’ils veulent, on donne le feu vert aux jeunes sahéliens de rejoindre Malam Dicko et autres marchands de rêve. Je pense que cela ne souffre d’aucun débat c’est parce qu’il y a l’insécurité qu’il faut investir.
La vision de la commune
Mon rêve le plus grand, je le dis souvent en souriant, mais c’est du fond de mon cœur, c’est de faire de cette commune un paradis au milieu du Sahel. Notre vision c’est qu’au bout de 5 ans voire 10 ans, aucun enfant de la commune rurale de Falagountou ne reste à la maison. Que tous ceux qui ont l’âge d’aller à l’école y partent. Que le mariage précoce n’existe plus dans cette commune au bout de 4, 5 ou 10 ans. Que cette commune soit désenclavée parce que c’est une des portes du Burkina Faso sur le Niger, c’est l’image du Burkina Faso vis-à-vis de nos voisins. Que l’activité minière puisse se mener mais à condition que nous ne sortons pas aussi perdants, que cela soit une alliance gagnante-gagnante.
Des perspectives
Des perspectives oui, mais tout cela va dépendre de nos moyens. Le Burkina Faso a beaucoup de défis à relever. En prenant le Plan national de développement économique et social (PNDES), l’axe Dori-Falagountou n’est pas un axe prioritaire à bitumer, mais nous sommes en train de négocier avec les premiers responsables de la mine en leur faisant savoir simplement qu’il faut qu’ils investissent pour les générations futures, en leur disant que s’ils bitument la voie peut-être qu’ils feront aussi une économie d’échelle parce qu’aujourd’hui ce sont des centaines de millions qu’ils dépensent trimestriellement pour l’entretien courant de la route. Mais si on fait le cumul de la somme réservée à tous ces entretiens sur 10 ans, cela peut suffire à bitumer la voie pourquoi ne pas prendre l’option de ce bitumage ? Mais ce sont des négociations, cela dépend de beaucoup de facteurs, cela dépend des relations personnelles qu’il y a entre les responsables. Mais nous ne nous focalisons pas sur cela, pour nous si nous sommes désenclavés, qu’au moins les endroits où il y a des ouvrages de franchissement à faire que cela se réalise. Si nous avons nos centres de santé, nos écoles et de l’eau à boire, le reste, on donnera le temps au temps de le réaliser.
Agriculture et Elevage
Une saison de pluie capricieuse comme d’habitude. Vous savez, il y a longtemps qu’au niveau du Sahel on ne compte pas trop sur la saison de pluie pour nos survies parce que tous les visionnaires le savent, le Sahel ne peut pas vivre uniquement que de l’agriculture. Le Sahel vit de l’élevage, aujourd’hui des mines et un peu de l’agriculture. Le peu de pluie que nous avons mérite d’être étudié afin que des investissements hydrauliques adéquats soient effectués. Pensons à la construction de barrages parce que quand nous voyons la quantité énorme d’eau qui s’écoule vers l’extérieur après les pluies, cela nous donne un pincement au cœur. On se dit donc qu’il faut que nous maitrisions les questions relatives aux ouvrages hydrauliques. Dans le plan communal de développement que nous avons relu, notre vision c’est vraiment de pouvoir passer d’une agriculture de subsistance à des activités pérennes comme un élevage assez productif, un élevage qui puisse nous apporter des ressources importantes. On ne peut être au Sahel et ne pas avoir au moins une unité de laiterie sérieuse dans toute la région. Quand je vois le cas des fruits de l’Ouest avec Dafani, je rêve qu’il y ait une unité de lait semblable, une sœur jumelle à Dafani au niveau du Sahel dans laquelle l’on produira tous types de lait que l’on pourra même exporter.
Le plan stratégique communal
Nous voulons donner une autre image à la commune en investissant dans l’éducation, la santé, les infrastructures routières dans la mesure du possible. Mais en nous disant aussi vu notre pluviométrie capricieuse, vu l’impact de l’industrie et de l’orpaillage, il nous faut si on veut survire trouver d’autres types d’investissement. Nous avons parlé de laiterie sans trop rentrer en profondeur, il y a d’autres projets similaires. Forcément il nous faut une ou deux industries qui n’ont rien à avoir avec l’or qui puissent de manière permanente compenser ce que nous perdons en matière agricole et minière. Voici, entre autres, des idées que nous avons.
L’énergie
Nous sommes raccordés comme beaucoup de communes au réseau de la Sonabel, mais au niveau de Falagountou nous avons pris la décision de mettre l’accent sur l’énergie solaire. Vous verrez donc qu’à commencer par les bâtiments de la mairie et toutes les infrastructures publiques, elles sont électrifiées à l’énergie solaire. Nous avons aussi un projet de centrale solaire que nous avons rédigé et nous sommes en négociation avec des partenaires canadiens sous le couvert de la mine d’Essakane pour voir dans quelle perspective aboutir à la réalisation de ce projet.
L’accessibilité à l’eau potable
Nous pensons que dans la région nous sommes les mieux lotis dans ce domaine. Dans les 14 villages que compte la commune, nous sommes à plus de 100 forages. Vous faites la moyenne vous serez autour de 7 forages par village. Au niveau de Falagountou Village, il y a une adduction d’eau potable et il y a une seconde en cours de réalisation. Nous n’avons pas véritablement un grand problème en matière d’eau potable pour la consommation humaine, mais nous avons un problème pour la consommation animale.
Les difficultés
Les problèmes de compréhension parce que pour certaines choses il faut un changement de mentalité. Je reviens toujours sur le cas du mariage précoce. Nous avons pratiquement un langage de sourd avec les autorités religieuses et certaines autorités coutumières. Elles ne comprennent pas comment et pourquoi on s’attaque au mariage précoce. Mais je me dis avec le temps et avec les discussions, on arrivera un peu à se comprendre. Hormis cela, je pense aussi que le reste est lié à la disponibilité des ressources. Il y a tellement de choses à réaliser en si peu de temps et il y a très peu de moyens de sorte que souvent, les gens sont frustrés parce que certains besoins ne sont pas comblés rapidement.
L’éducation
Nous disons d’abord qu’il faut motiver les enseignants pour qu’ils donnent le meilleur d’eux-mêmes. Et comment motiver un personnel enseignant ? C’est qu’il faut le mettre dans les conditions de travail. Pour cela nous avons décidé d’électrifier toutes les écoles, nous avons décidé à partir de 2018 d’électrifier les logements des enseignants en énergie solaire. A côté de cela, nous avons décidé de les former en informatique et de les doter en matériels informatiques et de primer les meilleurs d’entre eux à la fin de chaque année scolaire. Nous continuions à discuter avec eux pour recevoir toutes sortes de propositions qui puissent les motiver. Ensuite, il y a la sensibilisation des parents à ce qu’ils acceptent inscrire les enfants à l’école. Cela se fait de manière permanente. Tenez-vous que en valeur absolue l’année dernière, nous avons eu à peu près une centaine d’admis au CEP pour la CEB de Falagountou. En 2017, on était à plus de 200. On se dit que c’est l’impact de tout le travail collégial que nous faisons avec les enseignants. Mais il ne faut pas prendre l’enseignement de base et oublier la suite, c’est-à-dire le secondaire. Et nous avons pris les devants en augmentant les capacités d’accueil du Lycée départemental de Falagountou et nous avons entamé la construction d’un CEG (collège d’enseignement général) municipal que nous avons décidé de mettre à la disposition du continuum. Nous avons aussi voté des crédits pour prendre en charge les vacations pour les professeurs qui seraient surchargés ou pour les postes qui seraient vacants.
La santé
Du point de vue sanitaire la commune de Falagountou compte 4 CSPS. Nous avons commencé par renouveler le bureau des Comités de gestion au niveau de la santé. Vous savez tout part de là. Pour le bon fonctionnement d’un CSPS, il faut un bon COGESS. Nous avons renouvelé le bureau et nous l’avons formé sur ses missions et attributions. Nous avons ensuite mis les moyens à leur disposition. C’est environ un million de francs de médicaments que nous achetons pour subventionner chaque CSPS en plus des ressources transférées par l’Etat. Nous avons équipé l’ensemble de ces CSPS. Vous prenez le cas du CSPS de Falagountou nous l’avons réhabilité et équipé entièrement. Nous avons décidé de les équiper progressivement en énergie solaire.
L’appel de Falagountou
Mon dernier mot c’est qu’au-delà de la commune de Falagountou que tous nos compatriotes, que tous les amis de notre pays soient solidaires de la région du Sahel en ce moment difficile que nous traversons. Parce que si nous perdons le Sahel nous aurons perdu la plus belle et la plus riche partie de notre pays. Les ressources surtout minières dont le Sahel regorge ne sont pas entièrement connues jusqu’à présent. Ce sont des ressources énormes et on ne peut pas permettre que quelques aventuriers viennent semer la zizanie dans cette partie du pays. Il ne faut pas prétexter l’insécurité pour ne pas investir dans le Sahel. Nous comprenons le souci de tous les partenaires. Ils veulent être sûrs qu’en débloquant des fonds pour une activité qu’elle soit menée. Qu’ils puissent se déporter sur les lieux et constater les réalisations. Mais nous disons que l’on peut trouver des mécanismes pour pallier cela. A cause de l’insécurité, il faut investir pour lutter contre la pauvreté, contre la sous scolarisation des enfants.
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